lundi 21 avril 2008

Nicolas Sarkozy et l’Union pour la Méditerranée

Le président français, Nicolas Sarkozy, croit sincèrement à l’Union pour la Méditerranée et emploie toute son énergie pour la réalisation de ce projet. Quarante-trois chefs d’Etats et de gouvernements, représentant les pays candidats pour cette union, seront conviés à un sommet le 13 juillet 2008, et qui va probablement aboutir à une déclaration constituante de cette union. Pour donner une valeur symbolique à ce projet, il a été convenu de tenir cette conférence au Grand Palais, haut lieu de la capitale française construit en 1900, à l’occasion de l’exposition universelle.

Actuellement les préparatifs relatifs à ce projet sont pilotés, sous les regards attentifs du président de la République, dans le palais Marigny, par l’ambassadeur en charge du projet, Alain Leroy.

Qu’est-ce que l’Union pour la Méditerranée (UPM) ?
La Méditerranée se situe au cœur de la vision stratégique du nouvel exécutif français. Dans son discours de Tanger, le président français a même précisé que « la Méditerranée n’est pas le passé de l’Europe, mais son avenir ». En d’autres termes, il considère que la plupart des principaux problèmes européens ne peuvent être résolus que par une politique de concertation avec les pays du sud de la Méditerranée, ce qui l’a amené à effectuer des visites officielles à certains de ces pays.

La plupart des problèmes posés ont déjà été largement abordés : il s’agit du terrorisme, de l’immigration clandestine, des problématiques environnementales ainsi que des inégalités chroniques du PIB entre les deux rives. Plusieurs responsables politiques et chercheurs spécialistes de ces questions ont montré que la sécurité de l’Europe et son développement passe par une stabilisation politico-économique de ses voisins du Sud. Certains analystes, notamment ceux originaires des pays du Sud, ont reproché à l’Union européenne de délaisser sa frontière Sud en consacrant l’essentiel de son aide financière aux pays de l’ancien bloc de l’Est.

Au moment du lancement de l’idée, l’UPM a été critiquée par la chancelière allemande Angela Merkel, qui voyait dans le projet une politique de coopération renforcée excluant, de facto, les pays de l’union n’ayant pas de lien direct avec les états du sud de la Méditerranée. Ce différend franco-allemand a été résolu en intégrant dans le projet, la totalité des pays de l’Union européenne. L’UPM serait formée ainsi de quarante-trois pays dont la Jordanie et la Mauritanie, deux Etats non-riverains de la Méditerranée. La méfiance de la Turquie à l’égard de ce projet, considéré comme une barrière à son entrée dans l’Union européenne, a été relativement affaiblie. Elle a été associée à plusieurs grands projets économiques souhaités par le président français, Nicolas Sarkozy.

Les échecs de Barcelone

Le processus de Barcelone a été lancé en 1995 avec un objectif précis : utiliser l’aide publique européenne dans la résolution des conflits de la région du Proche-Orient et du Maghreb et mettre en place les bases d’une solution à l’épineuse question de l’immigration clandestine.
Loin d’atteindre ses objectifs, le processus de Barcelone n’a pas produit des effets significatifs. Certains milieux osés ont même qualifié le processus de tentative d’intégration maladroite. Quoi qu’il en soit, les raisons de cet échec sont à chercher dans la nature ambitieuse du projet et à cause de l’instabilité géopolitique de la région. L’échec de la conférence de Madrid en 1991, le blocage du traité d’Oslo en 1993, l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin en 1995, la relance de l’Intifada en 2000, les événements tragiques du 11-Septembre 2001 et la guerre d’Irak en 2003 sont autant de facteurs de crises qui ont mis en échec un processus censé éradiquer ou, du moins, affaiblir les tensions politiques régionales.

Pour compléter ce schéma, il faut ajouter l’incapacité du Maroc et de l’Algérie à s’entendre sur la question du Sahara occidental, ainsi que la perception de l’opinion publique des pays de la rive Sud qui a vu dans le processus de Barcelone un énième outil de puissance de l’Union européenne, qui regroupe les anciens colonisateurs.

UPM : un renversement des objectifs
L’approche du président français s’avère réaliste ; il s’agit de renverser les objectifs de Barcelone. En d’autres termes, la stratégie française consiste à développer de grands projets économiques à forte valeur ajoutée, qui pourrait, à long terme, aboutir à une stabilisation politique.
La dépollution de la Méditerranée à l’horizon de 2020 figure en première place de la liste des programmes économiques étudiés qui contient aussi la construction d’une autoroute reliant Alexandrie à Tanger, accueillie très favorablement par l’Egypte. Par ailleurs, le gouvernement français est particulièrement attaché à la création d’un espace commun scientifique et universitaire. Enfin, la création d’une banque méditerranéenne et d’une agence de développement des petites et moyennes entreprises serait la matrice de cette nouvelle approche de coopération
Contrairement au processus de Barcelone, l’UPM devrait associer non seulement les gouvernements des pays riverains, mais aussi le secteur privé et les acteurs de la société civile. Selon l’éditorialiste britannique Patrick Seals, de multiples sources de financements sont à l’étude : les concepteurs du projet veulent associer les monarchies du Golfe, parallèlement à une participation des entreprises et des fonds communautaires européens.
Cette nouvelle coopération Euromed-Pays du Golfe donne au projet une finalité géopolitique : les concepteurs du projet, fidèle à l’héritage gaulliste de la politique étrangère française, espère à travers le développement économique, affaiblir les tensions politiques et jouer un rôle prépondérant dans la résolution des conflits du Proche-Orient. Cette approche stratégique est confirmée par les propos d’Alain Leroy, ambassadeur français en charge du dossier, dans le quotidien londonien panarabe, Al-Hayat : « les objectifs de l’UPM sont politiques, mais les motivations sont économiques. On ne peut pas attendre la résolution des conflits pour lancer des projets économiques, par contre, on peut espérer que la dynamique économique provoque une stabilité politique »
Le président français souhaite faire de l’Union pour la Méditerranée une des importantes réalisations de son quinquennat. La présidence française de l’Union européenne devrait nous montrer si la volonté politique pouvait transformer ce projet ambitieux en une réalité qui fera oublier les échecs du processus de Barcelone.

Aucun commentaire: