dimanche 6 janvier 2008

Pour une troisième république au Liban

Le Liban connait, depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, une instabilité chronique qui dépasse les enjeux de l'élection présidentielle, du gouvernement d’union nationale ou du tribunal à caractère international sur l’assassinat de l’ex-Premier ministre.

D'un point de vue géopolitique et historique, le Liban n’est pas un Etat et n'a pas été conçu en tant que tel. Pourtant, l'identité libanaise existe, du moins sociologiquement. La formation de l’Etat libanais moderne, en 1920, était le résultat d’une compétition entre le patriarcat maronite, promoteur d’un Liban chrétien, et les nouvelles élites modernisatrices, qui oeuvraient au développement d’une culture commune transcommunautaire. Un duel gagné par le premier. La recherche d’un consensus et l’élaboration d’une politique nationale se sont faites pour et contre, au cœur et autour de cette prééminence chrétienne; pour et contre cette entité étatique spécifique dans son environnement régional.

L’Etat communautaire de l’après-guerre se caractérise au contraire à la fois par l’absence d’une autorité supérieure, et par le refus d’une prééminence communautaire. Aucune autorité libanaise n’est plus en mesure de réguler la compétition communautaire. Plutôt que la volonté de vivre ensemble, qui fonde la démocratie de consensus helvétique, les communautés libanaises partagent un devoir de vivre ensemble.

Ce devoir de vivre ensemble, que les pères fondateurs libanais appellent démocratie consensuelle, ou confessionnelle, montre plusieurs limites, surtout en périodes de crise. Depuis l’instauration de la deuxième république, on assiste à un processus d’édification de l’Etat mené sous deux contraintes impératives, qui sont aussi deux tabous: les communautés identitaires renforcées et les mobilisations centrifuges. L’esprit localiste s’impose, l’habitude du développement séparé reste prégnante et les frontières imaginaires puissantes. L’Etat persiste à nier les aspirations centrifuges en refusant de mettre en place un système de décentralisation pourtant adopté par le document d’entente de Taëf.

Le blocage de la vie politique, sociale et économique atteint aujourd'hui un point de non-retour. Le Liban connait une communautarisation très forte et un risque de plus en plus probable d’embrasement, la crise économique aidant à mettre en péril la paix sociale. Malgré un environnement régional instable et une crise interne mêlant le politique, la religion et la géopolitique, les Libanais doivent, plus que jamais, réfléchir à une modernisation de leur système politique.

Face aux blocages institutionnels, une troisième république s'impose, et par conséquent, une nouvelle constitution qui fasse entrer le pays dans la modernité. En développant la notion de la guerre des autres sur notre territoire, nous oublions notre responsabilité dans la guerre qui a secoué le pays pendant plus de quinze ans. Libérés de l’occupant israélien et du tuteur syrien, nous devons réfléchir à une méthode de vivre ensemble qui passe obligatoirement par une réforme institutionnelle.

Tout d’abord, une nouvelle loi électorale est nécessaire, respectueuse de toutes les tendances politiques et sociologiques. Un découpage basé sur le canton semble le plus approprié pour la structure libanaise, avec une dose de proportionnelle, garante de la représentativité de toutes les fractions qui forment le pays.

Ensuite, la société civile doit avoir le courage d’imposer un code civil, à commencer par le mariage civil optionnel. C’est un premier pas vers la modernisation de la vie sociale, qui permettrait progressivement une séparation entre les institutions religieuses et l’Etat et permettrait à ce dernier d’assoir sa légitimité et son lien avec les citoyens.

De plus, une politique d’aménagement du territoire et d’urbanisation bien conçue est la réponse idéale aux phénomènes de communautarisation. Une politique de mixité sociale et communautaire dans le travail et l’éducation, et à long terme dans l’habitat, diminue le sentiment de rejet de l’autre et prépare le terrain d’une cohésion nationale.

Enfin, une politique éducative intégrant toutes les religions du pays pour tous les étudiants est une façon de forger une histoire commune. Il est clair que l’Etat et les institutions religieuses jouent un jeu à somme nulle, pourtant l’augmentation du pouvoir de l’Etat ne signifie pas nécessairement l’affaiblissement de la religion.

Un Liban moderne ne signifie pas un système politique non respectueux de la religion; bien au contraire, c’est le développement d’une laïcité laïcisée qui permet de développer une approche universelle et moderne de la compréhension de la religion.

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